Il existe un lien intangible mais efficace entre l’école et le travail.
Partons de cette intuition et voyons où elle nous mène.
Toutes les sociétés humaines pratiquent la transmission. En majeure partie grâce au langage, mais également via d’autres supports d’information (rythmes, parures, peintures…), les connaissances contemporaines sont hissées sur les épaules de savoirs et de pratiques accumulées durant les âges. Nous pouvons parler de Sociétés de Transmission.
Force est de constater que pour ce faire, il existe des sociétés de transmission avec École et des sociétés de transmission sans. S’il est notoire que les sociétés avec école sont également celles des systèmes de liens marchands et d’aliénation au travail, il est intéressant de se poser la question de la causalité qui peut unir ces deux processus.
Pour ce faire nous pouvons nous poser la question suivante : les sociétés sans Ecole sont-elles exemptes d’aliénation de l’individu au travail ?
Nous pouvons pour y répondre nous appuyer sur le travail de Marshall Sahlins. Ce dernier, comme nombre d’ethnologues travaillant sur les sociétés de chasseurs cueilleurs nomades ou semi nomades, analyse l’activité de ces sociétés. Elles sont caractérisées par l’abondance des ressources (Qui, pour Sahlins est caractérisée par la satisfaction des besoins socialement définis) et la faible contrainte du travail : le temps accordé à l’obtention de nourriture par les chasseurs-cueilleurs varie de 3 à 5h par jour.
Ces sociétés ne pratiquent pas l’accumulation de biens matériels et leurs différents modes de transmission ne passent pas par l’institution d’un système scolastique.
Il est donc nécessaire de se poser la question suivante : les sociétés de transmission avec École sont-elles toutes vouées à un objectif final d’aliénation par le travail ?
L’exemple de certains pays d’Afrique de l’Ouest peut nous éclairer à ce sujet. En effet, les systèmes de transmission scolaire, dans nombre de ces anciennes colonies européennes ont été mis en place de manière autoritaire et exogène au XIX et XXème siècles.
Prenons l’exemple du Bénin, pays considéré comme le “quartier latin de l’Afrique” par le colonisateur français au début du XXème siècle. Aujourd’hui, si la majorité des enfants béninois suit une scolarité dans le premier degré, seul quelques-uns quittent les systèmes de production traditionnels autonomes pour rejoindre une carrière salariée. Il s’agit en majeure partie de la frange minoritaire, souvent urbaine, ayant accédé au second degré, voir aux études universitaires..
Ainsi, la reproduction sociale, chère à Pierre Bourdieu est non seulement le fait de la création du même par “acculturation familiale”, mais reproduction des liens d’aliénation via un ensemble systémique institutionnalisé.
Un nouveau concept se dessine, forgé au long des luttes émancipatrices du XIX et XXème siècles, à la fois comme résistance et intégration des lutte de classe, assurant la stabilité des liens d’aliénation au travail dans les sociétés dites modernes, sociétés à transmission scolaire, société individualistes et spectaculaires marchandes.
Ceci mérite de plus amples études afin d’être démontré. Cependant, tout en filant l’hypothèse, nous voyons surgir une organisation relevant du parasitisme. Un organisme vivant qui vit aux dépens d’un autre organisme (l’hôte, le corps social en l’occurrence).
Cette idée méritera plus amples investigations puisque, adossée à celui de lutte des classes, elle semble intéressante pour comprendre les enjeux actuels.